Cancer et fibrillation atriale
Le cancer constitue un facteur de risque thromboembolique mais également un facteur de saignement pour le patient sous anticoagulant, rendant la prise en charge de la fibrillation atriale (FA) délicate chez le patient atteint de cancer.(1,2)
Quel est le lien entre cancer et FA ?
L’association entre cancer et FA a été démontrée par plusieurs études.(3-5) La survenue de la FA est associée à un risque plus élevé de développer un cancer et les patients atteints de cancer sont plus à risque de développer de la FA.(3-5) Ainsi, chez plus de 34 000 femmes suivies pendant une durée médiane de 19 ans, il a été observé que les participantes avec une FA nouvellement diagnostiquée avaient plus de risque de développer un cancer (rapport de risque : 1,48) durant l’année suivant le déclenchement de la FA et les femmes chez qui un cancer avait été nouvellement diagnostiqué présentaient plus de risque de développer de la FA dans les 3 mois suivant le diagnostic (rapport de risque : 4,67).(3)

Les mécanismes physiopathologiques responsables du lien bidirectionnel entre la FA et le cancer n’ont pas encore été élucidés. Le partage de facteurs de risques communs ou de process cellulaires communs tels que l’inflammation, le stress oxydatif ou l’apoptose pourraient expliquer le développement concomitant des deux pathologies.(3)
Chez les patients atteints de cancer, la forme de FA la plus fréquemment observée est la FA post-chirurgicale, particulièrement observée après une chirurgie thoracique.(1,6) Par ailleurs, de nombreux médicaments anticancéreux peuvent déclencher de la FA, comme les anthracyclines, les antimétabolites, les agents alkylants ou les inhibiteurs de tyrosine kinase, certaines molécules étant associées à une fréquence de FA supérieure à 10 % dans les études observationnelles ou cliniques. (1,6) Les traitements chirurgicaux anticancéreux, la chimiothérapie et la radiothérapie, ainsi que la tumeur elle-même, seraient à l’origine d’un stress inflammatoire qui faciliterait la survenue de la FA chez le patient atteint de cancer.(1)
Quelles précautions prendre avec le traitement anticoagulant des patients atteints de cancer ?
Il n’existe actuellement aucune recommandation spécifique pour le traitement de la FA chez le patient atteint de cancer.(1) La prise en charge de la FA chez le patient nouvellement diagnostiqué avec un cancer est supposée reposer sur les mêmes algorithmes que ceux utilisés pour traiter la population générale.(1,7) Cependant, une attention particulière doit être portée à la recherche d interactions médicamenteuses entre les traitements anticancéreux et les traitements de la FA incluant les anticoagulants.(7) En effet, les interactions médicamenteuses entre les traitements anticancéreux, les antiarythmiques, les médicaments de contrôle du rythme cardiaque et les anticoagulants sont fréquentes.(6) Pour plus d’informations, consultez l’article dédié aux interactions médicamenteuses des anticoagulants oraux directs (AOD).

Le score CHA2DS2 VASc, servant à estimer le risque thromboembolique et à guider la décision d’initier un traitement anticoagulant chez le patient atteint de FA, ne semble pas approprié pour le patient atteint de cancer.(7,8) De même, l’évaluation du risque hémorragique à l’aide du score HAS BLED ne prend pas en considération de multiples facteurs propres au cancer tels que le taux de plaquettes ou la présence de métastases intracrâniennes.(7)
La mise en place d’un traitement anticoagulant chez un patient atteint de cancer devrait donc être l’objet d’une discussion multidisciplinaire afin de prendre en compte dans son intégralité le risque thrombotique et hémorragique du patient, lié au type de cancer, à sa localisation, à son stade et au traitement anticancéreux.(2,9) En effet, certaines tumeurs (cerveau, pancréas, ovaires, poumon et sang) et certains traitements anticancéreux sont plus particulièrement associés à une augmentation du risque thromboembolique.(2)
Enfin, le patient atteint de cancer peut être exposé à des situations cliniques particulières telles qu’une thrombocytopénie ou une insuffisance rénale chronique induites par la chimiothérapie qui peuvent nécessiter une individualisation/adaptation du traitement anticoagulant et une concertation en équipe.(1,2)
Bien que de grands essais cliniques randomisés comparant les AOD et les antivitamines K (AVK) n’aient pas encore été menés chez les patients atteints de cancer et de FA, d’après les données de la littérature disponibles, il est raisonnable d utiliser les AOD plutôt que les AVK pour réduire le risque thromboembolique du patient atteint de cancer et de FA (grade 2a).(2,6)
Références :
- Hajjar LA et al. Atrial Fibrillation and Cancer. Front Cardiovasc Med. 2021;8:590768.
- Steffel J et al. 2021 European Heart Rhythm Association Practical Guide on the Use of Non-Vitamin K Antagonist Oral Anticoagulants in Patients with Atrial Fibrillation. Europace. 2021;23(10):1612-1676.
- Conen D et al. Risk of Malignant Cancer Among Women With New-Onset Atrial Fibrillation. JAMA Cardiol. 2016 Jul 1;1(4):389-96.
- Vinter N et al. Atrial Fibrillation and Risk of Cancer: A Danish Population-Based Cohort Stud. J Am Heart Assoc. 2018;7(17):e009543.
- Yuan M et al. Association of Cancer and the Risk of Developing Atrial Fibrillation: A Systematic Review and Meta-Analysis. Cardiol Res Pract. 2019;2019:8985273.
- Joglar JA et al. 2023 ACC/AHA/ACCP/HRS Guideline for the Diagnosis and Management of Atrial Fibrillation: A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Joint Committee on Clinical Practice Guidelines. Circulation. 2024;149(1):e1-e156.
- Fradley MG et al. Recognition, Prevention, and Management of Arrhythmias and Autonomic Disorders in Cardio-Oncology: A Scientific Statement From the American Heart Association. Circulation. 2021;144(3):e41-e55.
- D'Souza M et al. CHA2DS2-VASc score and risk of thromboembolism and bleeding in patients with atrial fibrillation and recent cancer. Eur J Prev Cardiol. 2018;25(6):651-658.
Hindricks G et al. 2020 ESC Guidelines for the diagnosis and management of atrial fibrillation developed in collaboration with the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS): The Task Force for the diagnosis and management of atrial fibrillation of the European Society of Cardiology (ESC) Developed with the special contribution of the European Heart Rhythm Association (EHRA) of the ESC. Eur Heart J. 2021;42(5):373-498.
PP-UNP-FRA-3092 - CV-FR-2400064-NP-Mars 2024